Manu Dibango a succombé mardi 24 mars au Covid-19. Il avait 86 ans. Emmanuel Dibango était né en 1933 à Douala, au Cameroun, et avait rejoint la France en 1949 pour y suivre des études. Très vite, il découvre le jazz et le saxo alto. Longtemps musicien d’appoint, notamment pour Dick Rivers ou Nino Ferrer, il gagne sa vie dans les cabarets parisiens mais il atteint la gloire mondiale en 1972 avec le morceau « Soul Makossa ».
« Soul Makossa », avant de connaître un destin planétaire, était sorti quasiment en catimini, en face B du 45 tours de l’hymne de la Coupe d’Afrique des Nations 1972 qui se déroulait au Cameroun : « Le titre phare, c’était l’hymne de la CAN. Mais il fallait une face B pour le 45 tours. J’avais ce morceau depuis quelques temps. J’avais remarqué que les mômes rigolaient des jeux de mots « Mamako Mamassa Mama Makossa » alors je me suis dit que, comme je ne pourrais jamais rien en faire sur un disque normal, j’allais le caser là ».
Le morceau à la rythmique irrésistible avec ce saxo canaille sera vite repéré aux Etats-Unis où la mode est alors à la « blaxploitation » et au soul-funk de James Brown. Michael Jackson lui-même s’en inspirera en 1982 pour « Wanna Be Startin’ Somethin' », sur l’album Thriller, ce qui lui vaudra un retentissant procès pour plagiat; un accord financier avait finalement été trouvé.
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Rebelote quelques années plus tard avec la chanteuse Rihanna dans son titre « Don’t Stop the Music » en 2007 qui samplait « Wanna Be Startin’ Somethin' », et par conséquent, « Soul Makossa »… De quoi consolider un peu plus la consécration mondiale d’un artiste aux multiples facettes.
Activiste de l’abolition des frontières entre les genres musicaux, Manu Dibango se décrivait comme un « bâtisseur de ponts entre l’Occident et l’Afrique ». Il a abordé de multiples styles, collaboré avec de grands musiciens africains comme Youssou N’Dour et Angélique Kidjo, des rock stars comme Peter Gabriel et Sting, des chanteurs français comme Serge Gainsbourg, Nino Ferrer ou Dick Rivers, des musiciens classiques, et, bien sûr, des gens du jazz comme Herbie Hancock, Bill Laswell ou, en France, le bassiste Jérôme Regard et le tubiste Didier Havet. En 2007, il a rendu un hommage discographique au saxophoniste américain Sidney Bechet qui, comme lui, s’était établi en France.